Kofi Annan, secrétaire général de l’ONU et pape laïc

By Susan Yoshihara, Ph.D. | August 24, 2018

NEW YORK, le 24 août (C-Fam) Kofi Annan est mort la semaine dernière à l’âge de 80 ans. C’était une personnalité charismatique, mais aussi tragique. Considéré par certain comme une sorte de pape laïc, il a incarné l’espoir et la déception de son époque à l’égard des valeurs universelles.

On dit que M. Annan jonglait entre son rôle de « secrétaire » de la bureaucratie onusienne et de « général » chargé d’une autorité morale sur le monde entier. De retour du Darfour alors en plein chaos, il a déploré « ne disposer d’aucune troupe » pour mettre fin aux atrocités, faisant écho au célèbre quolibet de Staline sur l’impuissance du pape.

La carrière de Kofi Annan à l’ONU a été marquée par les tensions qui s’exerçaient entre la structure réaliste de l’organisation et ses objectifs idéalistes. Il a occupé le poste de secrétaire général de l’ONU entre 1997 et 2006, à une époque où les espoirs d’une paix tant attendue après la guerre froide ont été balayés par des guerres civiles sanglantes, des génocides, des nettoyages ethniques, le terrorisme et l’apparition de débats sociaux qui créent des dissensions.

M. Annan a été le premier Africain noir à exercer les fonctions de secrétaire général, mais n’a pu empêcher qu’un génocide ne soit commis sur le continent où il est né. Avant de diriger la bureaucratie onusienne, il était à la tête du département de l’ONU chargé du maintien de la paix, resté inerte pendant le génocide rwandais. Il a plus tard reconnu que cet événement lui avait laissé « pour toujours les plus amers regrets et la plus profonde tristesse ».

En dépit de sa réputation d’autorité morale, Kofi Annan gardait ses croyances religieuses pour lui. Il se décrivait lui-même comme « sans tribu dans un monde tribal ».

Élevé au Ghana par une mère fanti et un père mi-fanti mi-ashanti, Kofi Annan est devenu chrétien dans une école méthodiste, se considérait comme anglican et a achevé ses études aux États-Unis, où le mouvement des droits civiques lui a permis de se forger un avis sur la question des droits de l’homme et des discriminations.

Il dirigeait l’ONU pendant le Sommet du Millénaire de personnalités religieuses pour la paix dans le monde et a prononcé un discours à cette occasion, avant que les chefs d’État ne se réunissent au siège de l’ONU pour le Sommet du Millénaire des Nations Unies.

« L’Organisation des Nations Unies se tient à l’écart — nécessairement à l’écart — de toutes les confessions. Elle n’en constitue pas moins un instrument de foi. Ce qui sous-tend son action, c’est ce qui unit les grandes religions du monde, et non ce qui les divise », a-t-il déclaré, citant Dag Hammarskjöld.

En dépit du soutien de Ted Turner, milliardaire américain des médias, cette démarche n’a pas permisde créer un conseil consultatif religieux à l’ONU, essentiellement parce qu’une telle structure marginalisait les chrétiens et les musulmans. Le Vatican a considéré qu’il s’agissait d’une forme de syncrétisme religieux et a refusé d’y participer.

On dit que Kofi Annan a été bouleversé par deux événements : la guerre contre l’Irak, qu’il a persisté à qualifier d’« illégale », et le scandale du programme Pétrole contre nourriture, qui a permis à Saddam Hussein de détourner onze milliards de dollars de fonds onusiens et dans lequel Kojo, le propre fils de M. Annan, était impliqué.

Sur le plan bureaucratique, la réforme de l’ONU constituait l’une des principales priorités de Kofi Annan, mais elle était pleine de contradictions.

Son œuvre la plus marquante restera les objectifs du Millénaire pour le développement, établis à partir du rapport élaboré par M. Annan lui-même. Ces objectifs ont permis de quadrupler l’aide internationale en seulement dix ans et, dans ce domaine, de délaisser l’aide d’urgence au profit d’actions de développement. Ce projet a été élaboré exclusivement et mystérieusement par un groupe de conseillers dont faisait partie Jeffrey Sachs, un partisan des politiques malthusiennes.

Cette démarche a créé un précédent pour les initiatives bureaucratiques unilatérales de l’ONU lancées ultérieurement et a conduit les États membres à faire preuve de déférence pour les fonctionnaires de l’Organisation et à s’en remettre à leur jugement.

Kofi Annan n’a peut-être pas prévu qu’une bureaucratie autonome pourrait promouvoir des politiques — notamment sociales — qui provoqueraient des divisions et entraveraient la coopération sur les questions humanitaires auxquelles il attachait tant d’importance.